Le cas de Laila Soueif
La mathématicienne et militante égyptienne Laila Soueif ne connaît aucun répit. Elle est professeure de mathématiques à l’université du Caire et une fondatrice du Mouvement des professeurs du 9 mars pour l’indépendance des universités en Egypte ; elle et sa famille ne connaissent que trop bien la répression politique égyptienne. Dans les années 1980, au moment de la naissance de leur fille Mona, son mari Ahmed Seif El-Islam, éminent avocat et défenseur des droits humains, était en prison pour son engagement politique ancré à gauche. En novembre 2013, après le coup d’état du maréchal Abdel Fattah al-Sissi, le fils de Soueif, Alaa, icône de la révolution égyptienne de 2011, est à nouveau emprisonné. Quelques mois plus tard, en juin 2014, sa fille Sanaa est à son tour arrêtée lors d’une manifestation appelant à la libération de prisonniers politiques, dont Alaa. A peine deux mois plus tard, le mari de Soueif décède, des complications d’une intervention cardiochirurgicale. Laila et ses trois enfants, dont deux en prison, entament une grève de la faim de plus de deux mois pour protester contre l’emprisonnement d’Alaa et de Sanaa.
En septembre 2019, Alaa, à peine libéré de prison, est arrêté à nouveau et Laila reprend le combat pour sa libération, parallèlement à son enseignement à l’université. Après avoir organisé une petite manifestation demandant que les prisonniers soient libérés pendant l’épidémie de coronavirus, elle est à son tour arrêtée, puis relâchée le jour suivant. Les visites en prison étant suspendues et les communications avec les familles bloquées, Laila Soueif entame un sit-in devant la prison, en demandant à être autorisée à recevoir une lettre d’Alaa. Elle y est attaquée physiquement, ainsi que ses filles venues la rejoindre. Lorsqu’elles se présentent devant les autorités pour signaler cette agression, Laila voit Sanaa emmenée par des policiers en civil et emprisonnée.
Laila et Mona sont constamment dénigrées dans des journaux d’état, qui publient régulièrement des articles affirmant qu’elles sont des agents étrangers, des sympathisantes du terrorisme, etc.
Quand la presse est sévèrement muselée, les défenseurs des droits humains et de la démocratie ont un besoin impérieux du soutien international. Laila Soueif continue de lutter pour la libération de ses deux enfants. Nous appelons nos collègues et les sociétés mathématiques à la soutenir, ainsi que ses enfants, en écrivant, dans vos pays respectifs, à
- votre ministre des Affaires étrangères
- l’ambassade d’Egypte.
Nous vous demandons aussi d’envoyer des messages aux autorités égyptiennes, en particulier :
- au bureau du Procureur général ;
- au ministre de la Justice ;
- au ministre de l’Enseignement supérieur ;
- à la présidence.
Signataires
Ahmed Abbes, mathématicien, directeur de recherche au CNRS, Paris.
Tuna Altınel, maître de conférences en mathématiques à l’université Claude Bernard Lyon 1.
Sir John Ball, FRS, professeur de mathématiques à l’université Heriot-Watt, ancien président de l’Union mathématique internationale.
Michel Broué, professeur émérite de mathématiques à l’université de Paris.
Chandler Davis, professeur émérite de mathématiques à l’université de Toronto.
Adrien Deloro, maître de conférences en mathématiques à Sorbonne Université.
Ivar Ekeland, FRSC, professeur émérite de mathématiques et ancien président, Université Paris-Dauphine.
Maria J. Esteban, mathématicienne, Directrice de recherche au CNRS, Université Paris-Dauphine et Université de recherche Paris sciences et lettres.
Catherine Goldstein, directrice de recherche au CNRS, Institut de mathématiques de Jussieu-Paris Gauche.
Mary W. Gray, professeure de mathématiques et de statistiques, American University.
Michael Harris, professeur de mathématiques à l’université Columbia.
Helmut Hofer, professeur de mathématiques à l’Institute for Advanced Study, Princeton.
Ilya Kapovich, professeur de mathématiques et de statistiques, Hunter College à CUNY, président du Comité des mathématiciens pour les droits humains, American Mathematical Society.
Jair Koiller, professeur de mathématiques, Université fédérale de Rio de Janeiro.
Dusa McDuff, professeure Kimmel de mathématiques à Barnard College, université de Columbia.
John W. Milnor, lauréat du prix Abel (2011), Distinguished Professor of Mathematics à l’université Stony Brook.
David Mumford, professeur émérite de mathématiques aux universités Brown et Harvard, lauréat de la médaille Fields (1974), ancien président de l’Union mathématique internationale.
Bảo Châu Ngô, professeur de mathématiques à l’université de Chicago, lauréat de la médaille Fields (2010).
Joseph Oesterlé, professeur émérite de mathématiques à Sorbonne Université, Paris.
Arthur Ogus, professeur émérite de mathématiques à l’université de Californie, Berkeley.
Roshdi Rashed, historien des mathématiques, directeur de recherche émérite au CNRS à Paris, professeur émérite à l’université de Mansoura en Egypte et professeur émérite à l’université de Tokyo.
Raphaël Rouquier, professeur de mathématiques à l’université de Californie, Los Angeles.
Graeme Segal, FRS, professeur émérite de mathématiques, All Souls College, Oxford, ancien président de la London Mathematical Society.
Stephen Smale, professeur émérite de mathématiques à l’université de Californie, Berkeley, lauréat de la médaille Fields (1966).
Cédric Villani, membre de l’Assemblée nationale, lauréat de la médaille Fields (2010).
Claude Viterbo, professeur de mathématiques à l’université de Paris- Saclay et à l’École normale supérieure de Paris.
Masha Vlasenko, professeure de mathématiques à l’institut de mathématiques de l’Académie des sciences de Pologne.
Une liste des adresses des autorités égyptiennes est disponible ici.